REVUE DE PRESSE - Le 14 février 2020, L'Agence MOUTARDE intervenait à l'Université de Bourgogne de Dijon, à l'occasion du 15° colloque du Master Processuel, sous la présidence de Madame Christiane Féral-Schuhl, Présidente du Conseil National du Barreau.
La communication et la Justice sont indéniablement liées : en effet, que serait l’œuvre de Justice sans des interactions fortes entre les différents acteurs du procès - que ce procès soit civil, pénal ou administratif - afin de transmettre des informations ? Bien que le sujet soit
profondément renouvelé par le développement des « nouvelles » technologies, la circulation des informations a toujours été un enjeu majeur du procès, que ce soit la communication au sein même du procès, entre ses acteurs, ou que ce soit la communication sur la Justice, destinée au public « hors les murs ». En cette année 2020, alors que les professions de la justice doivent mettre en œuvre les dernières réformes processuelles, il était sans doute temps de s’interroger sur la façon dont circulent les informations au sein et au sujet de la Justice.
De nombreux sujets on été abordés... Comment ? Vous avez raté cet événement ?!?
Aucune inquiétude, L'Agence MOUTARDE a également eu le privilège de rédigé un article complet pour le numéro d'octobre 2020 de DALLOZ AVOCATS.
Voici son contenu :
Professions réglementées :
pourquoi et comment communiquer ?
La communication n’est pas un domaine vers lequel vous vous tourneriez naturellement car elle ne fait pas partie de votre culture. L’environnement des professions de la justice et des professions réglementées de manière générale est en train de muter drastiquement suite à l’évolution législative et l’intervention de l’Europe. Il est temps pour vous de vous considérer comme le dirigeant d’une structure économique possédant une mission d’intérêt public et évoluant dans un environnement de plus en plus concurrentiel. La communication est enfin au service des professions réglementées, structurez-vous !
PASSÉ, PRÉSENT, FUTUR
Depuis le premier jugement de Saint Louis rendu sous son chêne jusqu’à l’arrivée des grands médias dans le milieu judiciaire, la justice a toujours vécu plus ou moins dans l’ombre avec une image toujours très contrôlée. L’information paraît et, souvent, seul le verdict et/ou la sentence sont subtilement distillés dans des réseaux directs ou auprès du grand public. L’appropriation des grands procès par les journaux est bien souvent, pour le profane, l’ultime communication possible dans l’univers de la justice et du droit. La presse serait-elle le seul levier pour vous démarquer (tout en respectant la déontologie imposée par votre ordre ou votre chambre) ? Le droit de communiquer n’est pas le même partout. Dans certains pays l’affichage « quatre mètres par trois » est autorisé, le spot publicitaire est la preuve du succès de l’annonceur et le démarchage téléphonique est monnaie courante. En France, nous en sommes encore loin… Rassurez-vous l’Europe va vous aider à vous émanciper.
Recentrons-nous sur votre environnement direct. Au sein de votre étude, de votre cabinet, de votre office (pour résumer nous pourrions dire au sein de votre entreprise mais nous ne voulons pas être trop dérangeants dans nos propos), vous sentez-vous concerné par la communication ? Pensez-vous que la communication et la justice peuvent fonctionner de pair ? Mais qu’est-ce que la communication ? Pourquoi et comment communiquer sur mon marché ? Une démarche marketing serait-elle trop précoce ? Nous tenterons de vous apporter nos lumières sur ces questionnements qui peuvent paraître délicats de prime abord pour les professions réglementées. Si vous vous posez réellement ce genre de questions, c’est que vous avez déjà accumulé du retard face à votre concurrence… enfin, face à vos confrères, pardon.
LA COMMUNICATION, QUESACO ?
Pour le professionnel du droit novice dans ce domaine spécifique, la communication et le travail d’une agence de communication comme celui produit par L’agence Moutarde se résume à une prise de risques pour son activité ou son image. Ou encore à des affaires rocambolesques parues dans les médias avec un lien douteux avec une agence (par ex. l’affaire Bygmalion), au livre ou au film 99 Francs d’après l’œuvre originale de Frédéric Beigbeder ou enfin à la série Mad Men de Matthew Weiner qui relate la vie d’une grosse agence new-yorkaise dans les années 60 (disponible sur Netflix)… Une réalité, certes, mais bien lointaine de vos activités quotidiennes sur le terrain.
Nous avons le plaisir de travailler avec de nombreuses professions réglementées et nous demandons toujours, lors du premier entretien avec les professionnels nous sollicitant, leur définition de la communication. Le verdict de vos confrères est sans appel, la communication est fréquemment résumée dans le meilleur des cas à de la publicité, parfois à de la vente forcée, souvent à des comportements critiquables auxquels, il est logique, bien peu de professionnels de la justice et de leurs collaborateurs osent s’identifier. C’est un constat. La méconnaissance mène au rejet de ce domaine par le professionnel que vous êtes. Ne soyons pas médisants, certains de vos confrères travaillent déjà avec des professionnels de la communication ou s’intéressent par curiosité à ce domaine d’expertise « nouveau ». Malheureusement, la curiosité est souvent bien vite rattrapée par la peur du « qu’endira-t-on ? » L’ouverture d’esprit est aujourd’hui urgente et vitale pour permettre à vos métiers et structures de répondre à l’ouverture des marchés et les levées des réglementations drastiques que vous respectez. Car, oui, vous êtes un bon professionnel qui produit sa mission avec passion mais, avant tout, vous faites partie intégrante d’une structure économique qui doit (sur)vivre pour pouvoir vous permettre d’exercer encore et toujours avec passion. Par conséquent vous faites partie d’une structure qui doit communiquer pour faire savoir qu’elle possède un savoir-faire exceptionnel.
Pour revenir à notre définition, la communication est un domaine d’activité touchant à de nombreux univers d’étude : sociologie, psychologie, technologie… Mais, avant d’aller plus loin, retournons dans l’Antiquité avec Aristote, le grand orateur pour conceptualiser la communication. En 350 avant J.-C., Aristote décrivait et enseignait l’art oratoire selon trois piliers fondamentaux :
« logos » : le discours, la logique, le raisonnement, l’argumentation ;
« pathos » : la sensibilité et l’émotion de l’auditoire ;
« ethos » : le style que doit prendre l’orateur pour capter l’attention de l’auditoire.
Il s’agit là du premier schéma conceptualisant la communication : un premier individu (l’émetteur) transmettait une information (le message) à un tiers (le récepteur).
Avec le temps, il est évident que la communication (ou a minima sa compréhension) a évolué et s’est complexifiée. De grands courants ont vu le jour depuis l’industrialisation et de nombreuses études ont été menées depuis les années 30* . Les canaux sont à présent variés, les connexions multiples et exponentielles, les outils toujours plus puissants… mais, si ceux-ci sont mal maîtrisés, la communication laisse place à l’incommunication** (absence de communication ou de relation entre deux individus) et donc la possibilité de basculer dans un schéma contre-productif pour votre structure ou pour votre marque.
OMNIPRÉSENTE COMMUNICATION
« On ne peut pas ne pas communiquer », disait Paul Watzlawick***. C’est évident, avant même d’être un célèbre juriste, une brillante avocate, un magistrat exemplaire, un expert-comptable exceptionnel, un huissier redoutablement efficace ou encore une pointure dans votre domaine, vous êtes humain(e). Vous savez, ce fameux animal sociable qui s’enrichit des échanges qu’il a avec ses congénères et son environnement. Par analogie, un tribunal n’est qu’un lieu où des congénères échangent à propos d’un sujet traité ; cela inclut également des règles, des codes, des technologies… tout un ensemble d’éléments à intégrer. Bref, vous communiquez déjà.
RÉGLEMENTATION, COMMUNICATION ET MUTATION
Évidemment, la communication interne à la profession est la plus simple à maîtriser. Celle qui s’adresse au public, à vos futurs clients, à vos partenaires, à vos collaborateurs (en poste ou à recruter) est plus complexe à appréhender mais tellement vitale. Cela dit, la communication est parfois simplement tolérée, certaines formes proscrites, mais toujours encadrée et contrôlée afin de préserver la confraternité et respecter votre mission qui est réglementée : communication exclusivement informative, courrier nominatif, restriction d’utilisation de noms de domaine, notion de spécialisation et de comparaison proscrite, tout comme le démarchage, l’achat de mots-clés et publicité en ligne… Il existe de nombreuses contraintes dans vos professions qui sont en train d’être levées à cause/ou grâce à l’évolution législative. La période que nous traversons pourrait être qualifiée de période pivot car les mutations sont multiples et l’intégration des évolutions à venir doit être anticipée. Il est important de se préparer et de s’armer pour vivre sereinement cette transition vers un environnement davantage libéralisé ou alors il va vous falloir suivre et subir le mouvement.
Les cabinets d’expertise-comptable ont été les premiers à être impactés par le relâchement des contraintes de la communication (et des règles d’une concurrence de plus en plus libérée). Les autres professions réglementées n’ont pas tardé à amorcer le même procédé.
ORGANISATION
Avant d’entamer tout déploiement de stratégies ou d’outils, il est primordial de faire le diagnostic de sa structure, de son marché afin de mettre en avant vos réelles problématiques de dirigeant : déficit de notoriété, marque employeur faible, marque commerciale inconnue, offre mal valorisée ou non présentée, rapprochement d’entités ou renforcement du réseau, communication interne, stratégie de groupe, projection de transmission d’entreprise… Il s’agit en effet de faire une mini-étude de marché et un audit structurel interne afin de découvrir vos forces et faiblesses ainsi que les opportunités et des menaces (la célèbre méthode d’analyse stratégique SWOT)****. Il n’est pas rare que certains de nos clients nous sollicitent pour la création d’un site internet ou une autre opération vitale selon eux, mais qu’après notre analyse nous trouvions d’autres travaux à traiter en priorité ou simultanément. Cette phase d’audit peut être parfois perçue comme intrusive mais le fait de réaliser cette analyse via un œil nouveau et extérieur permet de découvrir un champ des possibles objectif afin d’envisager sereinement les bonnes opérations, de définir les bons objectifs (SMART)*****, de sélectionner les bonnes cibles et de planifier les bonnes actions de communication autorisées par les instances, évidemment !
En tant que professionnel, vous avez suivi un cursus de formation parmi les plus complexes qu’il soit, vous vous êtes exercé avec ténacité pour passer avec succès vos examens et vous avez réalisé vos premières missions. Aujourd’hui, vous êtes en fonction, dans une routine de production et vous devez assumer la mutation de votre profession qui est en cours sans y avoir réellement été préparé. Combien d’heures de formation en stratégie, en communication, en marketing ou dans le domaine commercial avez-vous suivi ? En face de vous, les start-up du droit, les sociétés structurées, les grosses entreprises et leurs filiales ont déjà anticipé et intégré l’évolution de la profession. La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est pas trop tard pour vous lancer et enfin communiquer.
La première étape pour certains sera de comprendre que la communication n’est pas un mal ni un pacte avec le diable et encore moins une corruption de votre savoir ou de votre profession. Il ne s’agit que d’un moyen permettant de résoudre les problématiques d’image, de notoriété, de valorisation. Il ne s’agit que d’un outil au service de votre structure et votre savoir. Il ne s’agit que d’un moyen de valoriser votre expertise aux yeux du monde (ou moins ceux de votre marché).
Il semble également primordial de vous recentrer sur votre client et ses intérêts, de mieux l’écouter, de créer un lien unique, une expérience client valorisante… Et si vous commenciez par lui expliquer ce que vous faites en utilisant ses mots et en fuyant le jargon technique, que vous lui racontiez qui vous êtes et quelle est votre raison d’exercer, que vous lui présentiez les intérêts de telle ou telle mission, que vous lui prouviez que vous êtes indispensable à son développement ou à son succès…
Selon votre affinité avec la communication, votre nouveau domaine d’étude préféré, vous pourrez déployer des actions dites de « push marketing » consistant à pousser de l’information à vos cibles et/ou des opérations dites de « pull marketing » (autrement appelé « inbound marketing ») se résumant par le fait de mettre en place des opérations afin d’attirer. Cette seconde approche est généralement moins agressive et perçue comme moins intrusive par les cibles qui font la démarche de chercher une réponse à un besoin ou une question.
Les professionnels du droit, aujourd’hui, doivent prendre de la distance avec l’approche technique de leur profession et se positionner dans une dynamique de « services ». À travers nos quelques lignes, nous espérons que vous avez pu découvrir une vision divergente de celle que vous avez pu appréhender à travers vos études, vos lectures et votre mission réglementée. Nous vous invitons à sortir de votre rôle de producteur, de quitter un instant votre casquette de spécialiste technique pour porter celle du manager, du communicant, du commercial… bref celui du dirigeant d’entreprise que vous êtes réellement et qui sommeille en vous afin d’envisager différemment l’évolution de votre profession.
Vous devez retrouver urgemment ce besoin inné et primaire de communiquer avec vos congénères afin de résoudre vos problématiques d’entreprise et de pérenniser votre activité.
Par Marc MÊLÉ, pour DALLOZ AVOCAT www.dalloz.fr/avocats
Spécialiste marketing & communication au service des professions réglementées depuis 2012. Co-fondateur de L’Agence MOUTARDE
NOTES :
* Quelques grands courants pour les curieux :
Harold Dwight Lasswell, « identification des pôles de communication interpersonnelle », 1948 - Chercheur américain, pionnier de l’étude de la communication de masse et de la science politique. Ses recherches appartiennent à des champs disciplinaires divers entre lesquels il ne voit pas de frontières ;
Robert Wiener, « approche systémique avant tout », 1948 - Mathématicien américain, théoricien et chercheur en mathématiques appliquées, surtout connu comme le père fondateur de la cybernétique (étude des mécanismes d’information des systèmes complexes) ;
Shannonn et Weaver, « conception analytique de la communication », 1949 - Chercheurs en sciences humaines et sociales, ils utilisent ce terme pour désigner un modèle intégrant diverses notions : source d’information, message, émetteur, signal, canal, bruit, récepteur, destination de l’information, probabilité d’erreur, codage, décodage, entropie moyenne, débit d’un canal…
Roman Jakobson, « fonctions du langage », 1963 - La théorie de Jakobson est née de la constatation de la différence entre message émis et message reçu et prend en compte les différentes fonctions du langage (poétique, conative, phatique…).
**S. Lepastier (dir.), L’incommunication, CRNS éd., 2013.
***Fondateur de l’école de Palo Alto et du Mental Research Institute à Palo Alto en Californie, États-Unis.
****SWOT (strengths, weaknesses, opportunities, threats) : outil éprouvé de l’analyse stratégique. Les forces et les faiblesses sont souvent d’ordre interne, tandis que les opportunités et les menaces se concentrent généralement sur l’environnement extérieur. 5
*****SMART (specific, measurable, achievable, realistic): acronyme et moyen mnémotechnique permettant de définir un bon objectif. Celui-ci doit être spécifique, mesurable, acceptable (et ambitieux), réaliste et temporellement défini.
コメント